Le duo Alfons & Aloys Kontarsky : Sur le front de la musique contemporaine
Peu de musiciens auront marqué autant que les frères Kontarsky la création musicale de notre temps. L’aîné, Aloys (1931-2017) et son cadet Alfons (1932-2010) occupèrent en effet une place essentielle dans la diffusion des œuvres pour deux pianos et piano à quatre mains de la seconde moitié du XXe siècle.
Nés à Iserlohn à quelques encablures de Dortmund, formés à Cologne et Hambourg (en particulier auprès du célèbre pédagogue Eduard Erdmann), tous deux s’intéressent d’emblée à un répertoire qui bouleversa, après la Seconde Guerre mondiale, notre perception de la modernité. En 1949, leur premier concert public est consacré au Concerto pour deux pianos de Stravinsky et, à partir de 1955, ils forment un duo qui fera florès jusqu’en 1983 dans le monde entier, hélas arrêté dans son envol par les attaques cérébrales d’Aloys. Familiers des Cours d’été de Darmstadt, leur relation privilégiée avec les compositeurs les plus en vue de cette époque en font les représentants rigoureux et passionnés de cette période militante.
La liste de leurs dédicaces est impressionnante : de Ligeti à Stockhausen (le mémorable Mantra pour deux pianos créé à Donaueschingen en 1970) en passant par Berio, Bussotti, Maderna, Kagel, Pousseur, Zimmermann… Pierre Boulez fait appel à eux pour l’interprétation du Premier Livre de ses Structures dont leur version a été choisie dans l’édition complète Boulez (chez DG).
Toutefois, leur rôle de pionniers ne se limite pas à ce répertoire : leur contribution au romantisme (l’œuvre pour piano à quatre mains de Schubert, Danses hongroises de Brahms et Danses slaves de Dvorak), à la musique française (Saint-Saëns, Debussy et Ravel), à Bartók (Sonate pour deux pianos et percussions) ou à Stravinsky (Sacre du printemps) est présente dans leur discographie.
Enseignants recherchés, ils transmettent leur savoir à Darmstadt et Cologne pour la pratique du duo de piano, puis Alfons continuera de le faire seul à Munich et Salzbourg, avec une vision de la musique nouvelle considérée comme un exemple d’intelligence et de profondeur d’analyse. Une référence pour les générations futures. Outre l’existence du duo, la fratrie Kontarsky continue de s’illustrer par la carrière de Bernhard (né en 1937), chef d’orchestre qui réalisa le premier enregistrement de l’opéra Die Soldaten de Bernd Aloys Zimmermann (Teldec, 1991), une partition gigogne dont il assura également la Première française à l’Opéra de Paris trois ans plus tard.